Mécanisme non élucidé de résistance face à Varroa

Dans un article de synthèse paru l’année dernière, une chercheuse de l’université d’Uppsala répertorie plusieurs populations de A. mellifera naturellement résistantes à Varroa, réparties sur l’ensemble des continents. Ici je vais m’attarder sur un rucher à Gotland en Suède, résultat d’une expérimentation initiée à la fin de années 1990.

Après établissement de 150 colonies, génétiquement et géographiquement diverses, les chercheurs les ont artificiellement infectées par Varroa, laissées sans aucune gestion apicole, libres d’essaimer. Le taux d’essaimage, les pertes hivernales, le niveau d’infestation automnale des mites et la taille de la colonie au printemps ont été continuellement mesuré. Après une phase initiale de 3 ans où 80 % des colonies ont disparues suite à des hauts niveaux d’infestation ou une importante fréquence d’essaimage laissant une population trop réduite pour survivre à l’hiver, la situation s’est stabilisée. Chez les survivantes, la virulence de Varroa était abaissée de 82 % par rapport à d’autres colonies des environs. En conséquence, elles sont également moins infestées par les virus dont Varroa est le vecteur.

De manière surprenante, ces colonies résistantes ne sont pas spécialement agressives, ne présentent pas un comportement hygiénique ou de nettoyage plus intense que celles sensibles. Cependant les populations sont d’effectifs réduits, avec beaucoup moins de couvains mâles, suggérant une stratégie adaptative pour réduire les opportunités de reproduction de la mite et ralentir sa progression. L’analyse comparative de la structure des chromosomes avant et après l’infestation initiale a mis en évidence un important phénomène de sélection naturelle, par la réduction d’un segment sur le chromosome 7. Afin identifier les mécanismes à l’œuvre, les investigations au niveau moléculaire sont toujours en cours, notamment en mesurant l’expression des gènes et en caractérisant le microbiome.

Source : Barbara LOCKE - Natural Varroa mite-surviving Apis mellifera honeybee populations - Apidologie (2016) 47:467–482

Merci Alexis Baillis d’avoir fait cette démarche , même si les conclusions de cette recherche restent décevantes pour nos abeilles.

Encore une question quand vous dites «  bien moins intéressantes pour l’apiculteur » peut on dire que cette modification génétique sur les quelques générations qui survivent est une tentative justement de survie du vivant , mais que les qualités et comportements habituels ( et utilisés par l’apiculteur) d’apis Melifera en sont réduites?( butinage et stockage de miel entre autres )

merci de votre réponse 

Michel

Je vais répondre pèle mêle aux différents commentaires.

Premièrement un petit explicatif de la littérature scientifique, il y a 3 grand type d’articles qui sont produits (du moins en biologie) :

  • Les articles de recherche : les auteurs posent leur problématique, ils peuvent formuler une hypothèse ou simplement constater un manque d’informations. Puis ils mettent en place une expérience pour y répondre. La structure est : introduction, matériel et méthode, résultats, discussion et conclusion
  • Les articles de synthèse : C’est un état de l’art. Sur un thème bien précis, les auteurs consultent l’ensemble des articles de recherche qui ont été produits l’instant t, synthétisent les principales informations et développent des pistes de recherche pour la suite. Ces articles ne sont pas techniques et reposent sur une structure : introduction, développement et conclusion. Ils ne comprennent aucun détail technique.
  • Les articles de perspective : ce sont des articles de format court (2-3 pages) qui ont pour objectif de « jeter un pavé dans la mare ». Ils prennent souvent la forme d’éditoriaux. Peu de données existent pour étayer le propos, ou les données existantes sont des « coproduits » d’autres travaux dont les auteurs n’envisageaient pas le problème sous cet angle. Par leur nature parfois polémique, seuls les chercheurs les plus expérimentés ou renommés de la discipline s’y risquent.  

Dans le cas du papier de Locke, c’est un article de synthèse. Par conséquent, pour obtenir le détail des expérimentations, il faut remonter aux articles de recherche qu’elle cite.

Deuxièmement, ces études sur la résistance de Varroa sont purement mécanistiques. Afin de pouvoir à terme développer des solutions de lutte, il s’agit de comprendre dans un premier temps les interactions entre Varroa et les abeilles. Les auteurs ne font aucune recommandation concernant les pratiques apicoles, ce n’est pas le propos de l’étude. 

Judith