Développement d’abeilles résistantes à Varroa destructor : coopération en Wallonie

Information relayée par Bruno RINALDI. 


Le développement d’abeilles résistantes à Varroa destructor : une histoire de coopération en Wallonie

Agnès Fayet    4 décembre 2019    Commentaires fermés sur Le développement d’abeilles résistantes à Varroa destructor : une histoire de coopération en Wallonie

Ce texte, co-écrit par Sacha d’Hoop, Didier Brick et Renaud Lavend’Homme,  nous est transmis par les responsables du projet Arista Bee Research Belgium que nous remercions.

Le développement d’abeilles résistantes à Varroa, aussi appelées « abeillesVSH » (acronyme de Varroa Sensitive Hygiène) est une histoire bien wallonne. En effet, la toute première conférence apicole en Europe sur le VSH s’est tenue à la journée de Namur en janvier 2007 (1). À cette époque, les apiculteurs ont pu prendre connaissance de l’existence chez les abeilles d’une résistance au travers d’un mécanisme de nettoyage des nymphes infestées par Varroa. Faute de connaissances techniques, le projet ne démarra pas immédiatement mais des contacts furent établis avec le Département de l’Agriculture des Etats-Unis (USDA) de Baton Rouge (2), dont fait partie le laboratoire qui découvrit en premier ce comportement. Ce contact permit, un peu plus tard, de démarrer avec du matériel VSH puisqu’une importation de capillaires de sperme de faux-bourdons VSH fut réalisée au Luxembourg en 2012, sous contrôle vétérinaire. Une seconde conférence fut donnée en 2013 lors de la journée de Namur (3). Ce sont les scientifiques de Baton Rouge qui établirent un contact entre les apiculteurs belges et luxembourgeois d’un côté, et la Fondation Arista Bee Research (4) de l’autre. Cette association de compétences déboucha – avec succès – sur les premières tentatives de sélection du VSH en mai 2014 ! Le projet connut un intérêt croissant auprès des apiculteurs et fut remarqué par Philippe-Auguste Roberti, alors président de l’Union royale des Ruchers wallons (URRW). Ce dernier, convaincu par les méthodes et les résultats de l’époque, mit le projet sur table lors des discussions de BeeWallonie et proposa de rencontrer le ministre de l’agriculture pour une demande de soutien à cette initiative. Un premier budget (5) fut obtenu en 2018 qui permit l’engagement d’un gestionnaire de projet en la personne de Sacha d’Hoop. Depuis, ce dernier gère le projet wallon de sélection d’abeilles résistantes. 

Contexte général de mortalité hivernale de colonies

Varroa destructor infeste toutes nos ruches depuis les années quatre-vingt et il est une des causes majeures de la mortalité hivernale des colonies d’abeilles (6, 7, 8, 9, 10, 11). Les apiculteurs subissent depuis lors des pertes régulières, mais c’est surtout depuis la diminution de l’efficacité des traitements chimiques contre le varroa – comme l’Apistan – que ce phénomène s’est amplifié. Les pertes de colonies entraînent un dommage financier et émotionnel pour les apiculteurs wallons (déficit de production de miel, remplacement de colonies, désarroi, etc.) mais également pour les agriculteurs et la nature à cause du déficit de pollinisation. Si une colonie n’est pas traitée, elle s’effondre dans les deux ans de son installation. Le varroa se nourrit (lui et sa progéniture) directement sur la nymphe de l’abeille lors de sa phase de reproduction dans la cellule. Il affaiblit les abeilles, diminue l’immunité et propage divers virus ou bactéries. Les varroas se nourrissent aussi en dehors des cellules sur les corps gras de l’abeille, diminuant de fait sa durée de vie (12). C’est la raison pour laquelle une colonie fortement infestée ne passe pas l’hiver. Pour contrôler la prolifération des varroas, l’apiculteur utilise des produits chimiques comme l’Amitraz, le Coumaphos, le thymol, les pyréthrinoïdes ou encore divers acides. Malheureusement, ces produits ont montré leurs limites depuis de nombreuses années. En effet – mis à part les acides organiques – les varroas ont développé des résistances aux produits de traitement, laissant l’apiculteur toujours plus démuni. Le constat est qu’après plus de trente ans de lutte contre le varroa, les dégâts causés sont en augmentation et qu’aucune solution durable n’est proposée aux apiculteurs. 

Résistance ou tolérance ? Soyons précis !

L’influence de la langue germanique qui utilise quasi systématiquement le mot tolérancetend à la confusion en apiculture. Dans notre cas, c’est le mot résistancequi doit être utilisé car, il se réfère à un comportement actif des abeilles pour se débarrasser du varroa. Une tolérancesignifie que la colonie survit en limitant les dégâts des varroas (14). La tolérance comme solution n’est pas adaptée, car ces abeilles non-résistantes ne limiteront jamais la croissance des populations de varroas, cette dernière étant exponentielle (15). Juste avant l’hiver, il n’est d’ailleurs par rare de trouver des colonies non traitées avec des taux d’infestation du couvain supérieurs à 50 % ou même plus. Comment une abeille peut-elle ‘tolérer’ virus, bactéries, une perte de poids allant jusqu’à 20 % à la naissance, et subir une consommation de ses corps gras par les varroas et ce, avant l’hivernage ? D’ailleurs, au début du XXe siècle, lors de l’arrivée en Angleterre (et ailleurs dans le monde) de Acarapis woodi, un autre acarien ayant décimé nos abeilles, ce sont les colonies résistantes qui ont survécu, pas les tolérantes (16). Il en est de même pour la loque, la nosémose, l’ascosphérose ou la teigne, nos colonies y sont résistantes. D’ailleurs, dans ses recommandations pour une apiculture plus naturelle (16), Thomas Seeley préconise l’élimination des reines ou colonies qui manquent de résistance. Il y conseille fortement l’utilisation de lignées résistantes afin de se donner toutes les chances de favoriser la sélection naturelle dans son rucher.

Le VSH, un comportement naturel de résistance à Varroa…

Dans les années 90, John Harbo, de l’USDA à Bâton Rouge en Louisiane a réussi la sélection d’abeilles résistantes au varroa. Il a fallu attendre 2005 pour que le mécanisme de résistance soit élucidé : Les abeilles résistantes sont capables de détecter et d’éliminer les nymphes infestées par les varroas qui se reproduisent, le cycle de reproduction étant ainsi interrompu (figure 1). La génétique de l’abeille étant complexe, toutes les abeilles et toutes les colonies ne manifestent pas ce comportement. Toutefois, plus il y a d’abeilles résistantes dans une colonie, moins le varroa s’y reproduit. Si le nombre de ces abeilles résistantes est suffisant, le taux de varroas reste assez bas pour ne pas mettre la colonie en péril. Celle-ci est alors en bonne santé car la diminution des acariens va de pair avec la diminution des maladies transmises par ce dernier. Comme le mécanisme de résistance est un comportement de nettoyage assuré par les abeilles adultes,il a été appelé VSH (pour Varroa Sensitive Hygiene). Son énorme avantageest qu’il s’agit d’un caractère transmis génétiquement, et qu’il est donc possible de le sélectionner. D’autres mécanismes de résistance ont depuis été décrits dans la littérature scientifique comme le SMR (Suppressed Mite Reproduction) (14) ou le grooming (toilettage), mais jusqu’ici, aucune de ces résistances n’est comparable au VSH en termes de transmissibilité et d’efficacité. Le coût pour la colonie est minimecar si elle est fortement résistante, elle possède un couvain très peu infesté et donc le sacrifice des larvesparasitées intervient à une faible fréquence et n’a aucun impact sursa force. Que du contraire, le couvain reste sain, les abeilles qui naissent sont donc plus efficaces.

Merci de reprendre ce texte , ,qui brosse bien la philosophie de ce projet ..