La dopamine pousse les abeilles à sortir butiner

Des butineuses mobilisées à la dopamine : la découverte d’un neurotransmetteur de l’appétence chez les abeilles

Le cerveau des mammifères analyse en permanence le monde alentour à la recherche de récompenses potentielles ; la dopamine est le signal associé à ce comportement de recherche. Ce neurotransmetteur est libéré par un réseau cérébral appelé « système de l’appétence » (wanting system). Jusque-là, l’existence d’un système équivalent chez les insectes était inconnue. Ce n’est désormais plus le cas ! Une équipe de scientifiques, menée par Martin Giurfa, professeur en neurosciences à l'université Toulouse III - Paul Sabatier, au Centre de recherches sur la cognition animale1  (CRCA – CNRS / Université Toulouse III – Paul Sabatier) en collaboration avec l’Université agricole et forestière de Fujian, Chine, a étudié, pendant quatre ans, des abeilles butineuses qui quittaient leur ruche, motivées par des attentes spécifiques en matière de récompense alimentaire. Dans un article publié ce 29 avril dans la revue Science, ils montrent pour la première fois qu’un système reposant sur la signalisation dopaminergique existe et s’active chez les abeilles butineuses en quête de nourriture et pendant la danse qu’elles utilisent à l’intérieur de la ruche pour communiquer à leurs congénères la présence des sources alimentaires à exploiter.

Bibliographie

Food wanting is mediated by transient activation of dopaminergic signaling in the honey bee brain
Jingnan Huang, Zhaonan Zhang, Wangjiang Feng, Yuanhong Zhao, Anna Aldanondo, Maria Gabriela De Brito Sanchez, Marco Paoli, Angele Rolland, Zhiguo Li, Hongyi Nie, Yan Lin, Shaowu Zhang, Martin Giurfa and Songkun Su
Science, 28 avril 2022 - DOI: https://doi.org/10.1126/science.abn9920

 

Selon une équipe internationale de scientifiques, les abeilles butineuses sont poussées à sortir de la ruche par la dopamine, un neurotransmetteur qui envoie au cerveau le signal de "l'envie de manger". Ils ont pu mesurer les niveaux de cette substance en suivant l'activité des insectes.

Chez les mammifères, y compris nous les humains, le désir, l'envie de quelque chose, la "motivation immanente" pourrait-on dire advient par le truchement de réactions chimiques dans le cerveau. Ces réactions sont provoquées par l'activation d'un circuit de neurones via la dopamine. Ce neurotransmetteur fait en quelque sorte passer le message du cerveau moyen au lobe frontal, zone responsable de la coordination volontaire des mouvements, du langage, des décisions. Une équipe de chercheurs franco-chinoise vient de mettre en évidence la présence de ce même circuit dopaminergique dans le cerveau des abeilles, insecte social par excellence.

Motivées pour elles-mêmes et les autres

Emmenés par Martin Giurfa, professeur en neurosciences au CNRS à l'Université de Toulouse 3-Paul Sabatier, ces scientifiques, en collaboration avec l'Université agricole et forestière de Fujian en Chine, ont étudié pendant quatre ans des abeilles butineuses qui quittaient leur ruche pour aller chercher à manger, motivées par la récompense alimentaire. Leurs travaux publiés dans Science montrent la similarité entre le cerveau de ces insectes et celui de l'homme.

"Nous avons vu que les abeilles qui sortent en quête de nourriture montrent une suractivation de leur système dopaminergique, de façon similaire à ce qui est observé chez l'homme. Une fois qu'elles sont arrivées sur la zone de nourriture et qu'elles ont commencé à manger, le niveau de dopamine diminue", détaille Martin Giurfa. A la différence de ce qui se passe chez nous, les abeilles ne butinent pas dans le seul but d'assouvir leur seul désir individuel de manger, mais comme l'ajoute le chercheur, "elles vont chercher de la nourriture pour satisfaire un besoin social, pour fournir à la colonie ce dont elle a besoin". C'est en effet avec la nourriture rapportée que la ruche va pouvoir fabriquer du miel.

Cette décision de quitter la ruche à la recherche de nourriture est donc guidée par le niveau accru de dopamine dans le cerveau des insectes. Chez des butineuses isolées, la dopamine croit aussi mais dans une moindre mesure. Ce circuit de la motivation agit donc à deux niveaux : celui de l'individu et celui du groupe quand, pour satisfaire les besoins de la colonie, l'abeille va aller chercher à manger.

Flash de dopamine aussi pour informer les congénères

Plus fascinant encore, selon Martin Giurfa, "une fois rentrée à la ruche, la dopamine est à nouveau libérée". C'est précisément quand les insectes se mettent à danser pour informer leurs congénères du lieu où se trouve la nourriture convoitée que la dopamine fait un bond. La danse des abeilles, ce sont ces mouvements stéréotypés découverts par l'éthologue allemand Karl Von Frisch qui permettent aux insectes d'indiquer une direction dans l'espace très précise (100m à l'ouest, 30m au sud, etc... ). "C'est comme s'il y avait une réminiscence de ce qu'elles avaient vécu qui active ce système d'appétence au moment de la danse", en déduit le chercheur.

Reste à savoir comment les abeilles qui assistent à la danse activent à leur tour leur système dopaminergique pour prendre le relais et partir à la recherche de nourriture. L'étude n'a pas pu le déterminer.

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Commentaires

Quelle découverte sur les insectes ... !!mais ce sera aussi  certainement la porte ouverte à l'ajout ,pour certains  dont l'avidité à faire du miel coûte que coûte, dans les sirops de nourrissement de molécules dopaminergique .. ( médicaments notamment utilisé en neurologie .. levodopa ..etc ..)