Silphie : plante miracle contre la sécheresse et les pesticides ? Et bonne pour les pollinisateurs.
Octobre 2021.
Nicolas FERRAND ( Chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine, Service Innovation Recherche Développement) a publié une bibliographie très complète sur l'utilisation de « La silphie perfolé́e » Silphium perfoliatum L. Certaines illustration proviennent de notre site Internet (merci à Nicolas Ferrand pour les crédits et le lien vers le site d'Asapistra).
Pour lire le document de Nicolas FERRAND : Bibliographie « La silphie perfolié́e » Silphium perfoliatum L.
Article "3" Grand Est, août 2020 : Réchauffement climatique : la silphie, plante miracle contre la sécheresse et les pesticides, en test dans les Vosges. Une disposition de ruches aux abords des parcelles permet une production de 150 Kg/ha de miel.
Extraits du document de Nicolas FERRAND
Histoire et état actuel des recherches
La silphie perfoliée, Silphium perfoliatum L., est une plante herbacée vivace de la famille Asteraceae. Elle est, comme toutes les espèces du genre Silphium, originaire d’Amérique du nord, et plus précisément des sols humides des plaines et vallées de l’est des Etats-Unis et du sud-est du Canada (Stanford, 1990 ; eFloras, 2008).
Le genre Silphium aurait été introduit en Europe entre la fin du XVIIe et le XVIIIe siècle. Ce genre a été mentionné pour la première fois en Europe en 1762 par Antoine Gouan dans le catalogue du jardin botanique de Montpellier (Stanford, 1990). En effet, plusieurs espèces de ce genre, dont S .perfoliatum, ont commencé au XVIIIe siècle à être utilisées comme plantes ornementales dans les jardins botaniques européens (Krünitz et al., 1831 cités par LTZ, 2016).
Sa culture n’a débuté qu’à partir des années 1950 dans l’ex-URSS, qui était dans ces années à la recherche de nouvelles plantes destinées à l’ensilage pour l’élevage (Sokolov et Gritsak, 1972). La silphie a été identifiée comme la plus intéressante en fourrage parmi 50 autres espèces.
Elle a été expérimentée pour la première fois en France en 1974 par l’INRA de Clermont-Ferrand, puis entre 1977 et 1981 dans 13 sites répartis dans toute la France. Ces essais ont mené à la publication d’un article en 1978 puis en 1981 par C. Demarquilly et M. Niqueux. Elles restent encore aujourd’hui les seules publications scientifiques françaises sur la silphie !
Les difficultés d’implantation et de récolte (Niqueux, 1981) ont fait qu’elle a été jugée moins intéressante que l’ensilage de maïs qui s’est fortement développé dans les années 70 avec l’arrivée des variétés hybrides. Même dans le reste de l’Europe et du monde, elle n’a été que très peu étudiée jusqu’en 2000. Mais depuis 2000 et surtout 2010, de nombreuses publications ont vu le jour, notamment en Allemagne, Pologne, Lituanie, Russie, Chine et aux États-Unis (Fig. 1). Le « Landwirtschaftliches Technologiezentrum Augustenberg » (LTZ Augustenberg), un institut technique agricole allemand, s’y est intéressé depuis le début des années 2010 et continue actuellement à travailler dessus.
Ces études ont montré que la silphie peut être utilisée comme fourrage et comme source d’énergie renouvelable, mais aussi qu’elle présentait des intérêts médicinaux et pour la production de miel. Selonvplusieurs revues de la littérature, elle pourrait être une excellente alternative au maïs pour la production de biogaz, grâce aux nombreux bénéfices agronomiques et environnementaux qu’elle apporte : biodiversité, santé des sols, qualité de l’eau, attrait des pollinisateurs, stockage de carbone, érosion, phytoremédiation... (Stanford, 1990 ; Gansberger et al, 2015 ; Peni et al., 2020, Cumplido-Marin et al., 2020). Les récentes études ont aussi mené au développement de semences ayant un taux de germination élevé, ce qui a facilité son développement ces dernières années. Les travaux de recherche actuels se concentrent sur la sélection de variétés plus performantes en production de biomasse et rendement en méthane (Von Cossel et al., 2020 ; Wever et al., 2019), ce qui sera nécessaire afin de concurrencer le maïs pour la production de biogaz (Peni et al., 2020).
Cependant, il manque des études démontrant l’intérêt de la silphie en prenant en compte l’ensemble de son cycle de vie et en comparaison d’autres cultures (Peni et al., 2020, Cumplido-Marin et al., 2020), la première datant de 2021 (Bernas et al., 2021). Des connaissances supplémentaires sur la manière de l’intégrer dans les systèmes agricoles, et sur ses conséquences agronomiques et environnementales sur le long terme sont également indispensables. En effet la plupart des études s’arrêtent après seulement 3 années de suivi...
C’est en Allemagne que la culture de la silphie est aujourd’hui le plus développée avec environ 8500 ha en 2020 (Goualan, 2020). En France elle occupait près de 750 ha en 2020 et il y en aurait 3000 en 2021 (Mechekour, 2021).
Évaluation écologique
La littérature s’accorde sur le fait que la silphie présente de nombreux bénéfices agronomiques et environnementaux en comparaison des cultures annuelles, et notamment du maïs.
- Une culture pérenne. Elle présente tout d’abord l’avantage de ne nécessiter aucun travail du sol. De ce fait une couverture du sol est présente toute l’année, ce qui protège le sol de l’érosion. Même après la récolte fin août la repousse est rapide (LTZ, 2016). Elle est par ailleurs suffisamment étouffante pour ne pas avoir besoin d’herbicides. Ruf et al. (2018) ont étudié les impacts des cultures pérennes (dont S. perfoliatum) destinées à la production d’énergie en comparaison des cultures énergétiques annuelles et des prairies permanentes sur les indicateurs de la qualité de sols (carbone organique, structure, biomasse microbienne...). Il ressort que ces cultures pérennes auraient des effets positifs sur la qualité des sols (néanmoins bien inférieurs à ceux des prairies permanentes), et les auteurs recommandent le remplacement des cultures énergétiques annuelles par des cultures pérennes.
- Des besoins en fertilisation azotée limités. En comparaison du maïs, les besoins de la silphie en fertilisation azotée sont moins importants, même si elle reste indispensable pour obtenir des hauts rendements. De plus des études ont montré que si la fertilisation est trop importante, la plante a la capacité d’en absorber la totalité. En effet les reliquats azotés restent identiques quelle que soit la quantité apportée (Fig. 15). C’est la biomasse racinaire ainsi que sa teneur en azote qui augmente. La fonction de ce stock d’azote n’a pas été étudiée. Par ailleurs les repousses de silphie entre la récolte et l’hiver permettent de mobiliser ces reliquats ainsi que la minéralisation éventuelle avant la période de drainage.
- Une production de biomasse précoce. Comme signalé précédemment le développement de la silphie commence tôt au printemps ce qui permet une production de biomasse importante avant la période estivale. Ses besoins en eau durant cette période devraient donc être moins importants que les cultures annuelles d’été comme le maïs.
- Favorise la biodiversité. Les revues bibliographiques concluent à une amélioration de la biodiversité des sols, notamment grâce à la production importante de biomasse. La population en vers de terre a par exemple tendance à augmenter avec l’âge de la culture de silphie en comparaison du maïs (Schorpp et Schrader, 2016). Les pollinisateurs sont aussi bien présents avec la floraison en été. Une étude tchèque pointe un risque de diminution de la présence de méso et macrofaune en comparaison d’espèces pérennes indigènes (Hedenec et al. 2014 cités par Cumplido-Marin et al., 2020).
- Une plante envahissante ? Dans la littérature, peu d’auteurs envisagent un risque de dissémination de l’espèce. En effet les rhizomes sont courts, les graines ne peuvent pas se disséminer par le vent, et les jeunes pousses ont un niveau de compétitivité très faible (LTZ, 2016). Ende et al. (2020) ont fait état d‘un risque de dissémination accru dans des écosystèmes humides et conseillent de surveiller la culture. Silphie- France garantit que leur variété ABICA PERFO est non invasive.
- Phytoremédiation. Si le zinc est défavorable à la croissance de la silphie (Zhang et al., 2010), elle serait par contre capable de stocker le cadmium dans ses racines, lui conférant une certaine résistance à cet élément ainsi qu’une capacité de phytostabilisation (capacité d’une plante à fixer un élément polluant).
Conclusion.
La silphie perfoliée, étudiée initialement pour la production de fourrage, connait depuis 2010 un fort regain d’intérêt avec le développement de la méthanisation. La littérature a montré qu’elle peut être une excellente alternative au maïs pour la production de biométhane. En effet, cette plante pérenne présente de nombreux bénéfices agronomiques et environnementaux, comme l’amélioration de la qualité des sols et la réduction de l’utilisation des intrants. En France, la silphie intéresse de plus en plus d’agriculteurs depuis 2019, à la fois pour une utilisation méthanisation et élevage. Concernant le rendement en biomasse, elle semble avoir un potentiel un peu inférieur au maïs ensilage, mais avec des besoins en fertilisations azotés inférieurs et des besoins en eau inférieurs durant la période estivale. Le pouvoir méthanogène semble également un peu inférieur à celui du maïs. Pour les valeurs fourragères, les références sont pour le moment très limitées, mais elles sont globalement correctes.
Si les références recensées dans cette bibliographie montrent de nombreux intérêts de la silphie pour la production de biomasse, il reste encore des freins à lever et des points à étudier pour qu’elle se développe davantage. Le principal frein est le coût d’implantation. Il a été réduit grâce à la recherche faite sur des semences avec une meilleure capacité de germination. Mais la dose de semis est toujours très élevée par rapport au nombre de pieds nécessaires. De plus l’enherbement la première année mène parfois à des échecs d’implantation ce qui provoque l’arrêt de la culture, et à une perte financière importante pour l’agriculteur.
Certains auteurs ont pointé la nécessité de réaliser des analyses de cycle de vie afin de démontrer l’intérêt de la silphie par rapport aux autres cultures. Il manque également des références sur la manière de l’intégrer dans les systèmes agricoles, ainsi que sur ses conséquences agronomiques et environnementales sur le long terme. Il serait aussi pertinent d’étudier la possibilité d’associer la silphie avec des légumineuses pérennes comme le trèfle ou la luzerne.
En France il manque tout d’abord des références sur le niveau de production de biomasse atteignable en fonction des différents contextes pédoclimatiques. Une évaluation de la rentabilité sur le long terme est aussi à réaliser afin de préciser l’intérêt économique de la silphie pour les agriculteurs. De plus, comme elle est implantée pour au moins 10 ans, mieux connaître ses besoins en eau et en températures permettrait de voir s’il s’agit d’une culture adaptée face au changement climatique. Les retours d’expériences des agriculteurs seront décisifs pour le développement de la culture. Les capitaliser permettrait de mieux comprendre dans quels contextes et pour quelles utilisations la silphie est la plus adaptée.
Article de la "3" Grand Est du 07/08/2020.
Elle pourrait bientôt remplacer le maïs trop gourmand en eau et en pesticides. La silphie, testée depuis trois ans à Dompaire dans les Vosges par la société HADN, apparait comme la plante idéale pour faire face à la sècheresse, produire du biogaz et réduire l'utilisation des produits phytosanitaires
C’est une plante qui a tout pour plaire. Avec ses fleurs d’un jaune doré et longiline (jusqu’à 3 mètres de haut), elle suscite beaucoup d’espoir chez les agriculteurs. La silphie, une plante vivace cultivée chez nos voisins d’Outre-Rhin, a de nombreuses qualités fourragères et environnementales. Elle est testée depuis 3 ans sur les communes de Dompaire et d’Uxegney dans les Vosges.
C’est la société HADN qui a déniché la perle rare en Allemagne. La Silphie a été semée sur 160 ha dans les Vosges et pour le moment elle tient toutes ses promesses. Peu gourmande en eau, elle résiste particulièrement bien aux périodes de sècheresse et de canicule que nous rencontrons actuellement. Elle atteint aujourd’hui les 3 mètres, quand le maïs, lui, dépasse à peine les 1 mètres.
Paradoxalement, elle peut également tenir deux mois et demi les pieds dans l’eau.
Chère mais rentable
Mais alors pourquoi ne pas l’adopter immédiatement en remplacement de tous les champs de maïs lorrains me diriez-vous ? Pas si simple…car il y a un frein majeur, c'est son prix : 1 800 euros par hectare. De plus, elle ne commence à pousser que la deuxième année. Par contre une fois implantée, la culture n’a plus que le coût de la récolte. Elle ne se ressème pas, et pas besoin non plus de labourer.
La silphie est certainement la culture la plus rentable qui existe pour les méthaniseurs. Le retour sur investissement se fait en moins de 4 ans.
-Amédée Perrein, gérant HADN, Saint Etienne les Remiremont
En Allemagne, plus de 6 000 ha de terres sont déjà cultivés avec de la silphie. Il est donc fort à parier que l’on voit fleurir ses grandes fleurs jaunes sur tout le territoire lorrain dans les prochaines années. HADN s’est fixé comme objectif d’atteindre rapidement les 3 000 ha en France.
Idéale pour le bétail et le méthane
Riche en protéine, cette plante vivace convient pour la nourriture des animaux, et permet de réduire la dépendance des agriculteurs envers les tourteaux de soja, pour aller vers plus d’autonomie protéique.
Elle est également très intéressante pour alimenter d’autres ’ventres’, ceux des méthaniseurs, de plus en plus nombreux dans nos campagnes, et qui produisent de l’électricité verte. Elle peut permettre de produire entre 4.000 et 5.000 m 3 de biogaz par ha cultivé, et représenter jusqu’à 15 % des apports.
ntérêt écologique majeur
Mais son plus grand atout est sans aucun doute écologique. Outre que la plante a besoin de très peu d’eau, elle se passe carrément de pesticides, et se contente d’un peu de digestat (résidu du méthanisateur) comme fertilisant.
Cela résout d’un coup de baguette magique la problématique de contamination des riverains par les pesticides. La silphie est d’ailleurs semée au ras des maisons à Uxegney. Ses petites fleurs jaunes ne plaisent pas qu’aux agriculteurs, mais également aux abeilles.
Preuve de son intérêt écologique, l’agence de l’eau Rhin-Meuse et la Chambre d’Agriculture d’Alsace ont financé plusieurs essais d’implantation de cette culture dans les parcelles faisant partie d’une zone de captage d’eau. Dernier avantage et non des moindres, les sangliers ne s’aventurent pas dans les champs du fait de sa densité, contrairement aux champs de maïs.
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Commentaires
Biodiversité et rentabilité
oui ça paraît être une plante d’avenir .. le hic c’est la rentabilité qui n’est pas immédiate pour les agriculteurs .. (2 -4 ans ) sauront ils ( FNSEA et consorts)quand même faire du lobbying pour la promouvoir ? Les maisiculteurs sont très très puissants ...
Pour l' instant la FNSEA et
Pour l' instant la FNSEA et consorts font du lobbying pour le retour des semences neonicotinoides dont le gouvernement est en passe de donner l'autorisation....
roland
Pour l' instant la FNSEA et
La voilà, la preuve ! Cette fois, dans la betterave.
K.
Bonjour,
Bonjour,
"Une disposition de ruches aux abords des parcelles permet une production de 150 Kg/ha de miel."
Super !
Mais pour combien de ruches ? ;)
Bonne journée !
Céline
150 kg de miel par ha. Potentiel mais résultat pas garanti !
Un hectare de Silphie produirait une quantité de nectar permettant aux abeilles de fabriquer jusqu'à 150 kg de miel. Voilà comment il faut le lire.
Maintenant s'il n'y a qu'une seule ruche, il n'y aura pas assez d'abeilles pour récolter le nectar et fabriquer les 150 kg de miel. S'il y a 100 ruches, il risque d'y avoir disette s'il n'y a rien d'autre autour et en moyenne, chaque ruche va produire 1,5 kg.
Voir aussi le billet : Besoins d'une ruche. Ressources disponibles.
Pas si mélifère que cela?
Alexis Ballis m'a rapporté un essai sur la Silphie qui finalement n'a pas apporté de miel dans les ruches.
Donc à vérifier ou comme le sarrasin, elle demande peut être des conditions spéciales (sarrasin aurait besoin de 100% d'hygrométrie et 25°C max, ce que je n'avais pas comme condition à l'été 2022 en pleine canicule).
Bruno
Au moins du pollen ?
A-elle pu permettre aux abeilles de ramener du pollen au moins?