Août 2020 : SNA. Non à la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes.
Pour lire la lettre : Lettre d’information du Syndicat National d’Apiculture
Non à la dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes en faveur des betteraviers
Suite aux pressions des lobbies des betteraviers et de la filière du sucre, le ministre de l’Agriculture a annoncé le 06 août dernier qu’il envisageait de faire approuver par l’Assemblée nationale, une dérogation autorisant la remise en marché de semences de betteraves enrobées par un néonicotinoïde qui avait été interdit en 2018, en raison de sa toxicité envers les abeilles, de sa persistance dans le sol et de sa rémanence qui peuvent s’exprimer sur plusieurs années et contaminer les cultures suivantes.
Sitôt cette annonce connue, le SNA, associé à l’ONG Terre d’Abeilles a immédiatement réagi le 08 août dernier dans un courrier adressé au ministre de l’Agriculture et au 1er ministre ainsi qu’à Madame la ministre de la Transition écologique et durable pour s’opposer à cette dérogation dont vous trouverez la copie ci-après en cliquant sur les boutons bleus..
Le 20 août, c’est InterApi : interprofession des produits de la ruche, qui est parvenue à mettre d’accord l’ensemble des structures et syndicats la composant pour cosigner un communiqué de presse à destination du ministre de l’Agriculture, lui demandant également le retrait de ce projet de dérogation dont, vous trouverez la copie ci-après.
Lettre ouverte au ministre de l’Agriculture et au gouvernement
Monsieur le Ministre, C’est avec stupéfaction et une très grande inquiétude que nous apprenons, par la voix des médias, votre décision de réautoriser aux betteraviers l’usage des semences enrobées d’insecticides néonicotinoïdes, jusqu’à 2023. Et c’est avec une terrible déception que nous constatons que vous cédez, quelques semaines à peine après votre nouvelle nomination, à la pression du lobby sucrier… au mépris des apiculteurs et de la faune auxiliaire tellement menacée, au mépris des effets délétères avérés de ces poisons sur l’environnement et sur la santé, et au mépris, aussi, des scientifiques qui les ont démontrés au fil des vingt dernières années pour justifier qu’ils soient – enfin, interdits.
Vous cédez à la pression des lobbys agricoles et agro-industriels dans la continuité de vos prédécesseurs au sein de ce gouvernement : M. Stéphane MEZARD (fin juin 2017), puis Stéphane TRAVERT, dont les premières propositions ont été, chaque fois, de revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes – dont la France a pourtant été le porte-drapeau européen. Vous cédez à la pression des lobbys agro-chimiques au mépris des résultats sans appel des récentes élections municipales en faveur de l’écologie et en opposition avec les promesses de progrès environnementaux annoncées à l’occasion par M. Emmanuel MACRON.
Vous avez pris cette décision de revenir sur la loi Biodiversité à l’heure où l’épidémie mondiale de Covid-19 révèle l’impact désastreux du bouleversement des équilibres naturels créés par l’Homme, alertant les décideurs du monde entier sur l’impérieuse nécessité de repenser nos modèles… à l’heure où les Françaises et les Français sont en vacances et les apiculteurs, dans leurs ruchers, sans même proposer de concertation préalable avec la filière apicole et son interprofession et après avoir, pourtant, désigné à vos côtés une conseillère à la dépendance aux pesticides !
Réautoriser les insecticides néonicotinoïdes, c’est envoyer aux citoyens un très mauvais signal, ainsi qu’un message de complaisance au lobby agro-chimique pour ouvrir la porte à d’autres dérogations. Déjà, les maïsiculteurs demandent les mêmes faveurs !
Aucune filière agricole ne doit exister au détriment d’une autre, ni au détriment de la santé des populations et de la qualité de l’environnement. L’équité devrait être la règle… sans laquelle la confiance est rompue.
Le retour aux néonicotinoïdes – traitement systématique des cultures avant même le constat d’une quelconque nécessité d’intervention, contraire même au principe d’une agriculture dite « raisonnée », est une invraisemblable régression… favorable, en l’occurrence, à l’agribashing que votre prédécesseur Didier GUILLAUME a annoncé vouloir combattre, via cette cellule de gendarmerie nouvellement créée, intitulée « Demeter », pour sanctionner les détracteurs de l’agrochimie.
C’est une énième démonstration – flagrante, de l’orientation donnée par votre ministère à privilégier, toujours, la défense d’intérêts économiques à court terme et sans aucune vision, plutôt que d’oser remettre en question ce modèle agrochimique dont les consommateurs ne veulent plus – toxique pour l’eau, l’air, les sols, l’alimentation et qui met en péril, aussi, les générations futures. Ce modèle dominant, pervers et sans issue que les conclusions des États généraux de l’alimentation – auxquels nous avons activement participés, auraient dû reléguer définitivement à l’ancienne vision du monde au profit de l’agro-écologie.
Votre décision de réautoriser les insecticides néonicotinoïdes s’avère en opposition totale avec les échanges entretenus par le Syndicat National d’Apiculture et le Cabinet de l’ex-Premier Ministre pour structurer la relance de l’apiculture française.
L’argument présenté par les betteraviers qu’ils ne disposeraient d’aucune alternative aux insecticides néonicotinoïdes est fallacieux, vous ne pouvez pas l’ignorer. Il existe d’autres produits homologués pour lutter contre le puceron de la betterave. L’ANSES l’a confirmé dès 2018 dans un avis rendu sur les néonicotinoïdes : il n’y a pas d’impasse technique pour cette culture. Vous évoquez cependant, dans votre communiqué du 6 août, la mobilisation prioritaire de 5 millions d’euros supplémentaires en faveur d’ « un effort de recherche renforcé et conséquent pour accélérer l’identification d’alternatives véritablement efficaces »… Alors que le désastre environnemental lié aux insecticides néonicotinoïdes fait l’actualité depuis plus de vingt ans, il apparaît plus que surprenant que la recherche n’ait pas avancé en ce sens !
Votre communiqué évoque également « la définition d’ici fin 2020 d’un plan de protection des pollinisateurs, visant à renforcer leur protection pendant les périodes de floraison »… Si le sujet n’était pas si grave, l’incohérence de l’annonce aurait de quoi faire sourire. Nous souhaitons bien évidemment savoir en quoi consiste ce « plan de protection » tout-à-fait paradoxal avec votre décision et quel en sera le calendrier.
Vous y indiquez, aussi, la nécessité de « mieux prendre en compte les enjeux associés aux pollinisateurs au moment de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. » Inutile de vous rappeler que ce sujet, fondamental, nous tient à cœur depuis plus de vingt ans. Les « affaires » des néonicotinoïdes ont révélé la faillite de l’évaluation du risque pesticide, ainsi que les dysfonctionnements inadmissibles en matière de gestion du risque préalables à leur homologation, que nous avons dénoncés. Nous avons dû recourir à la justice pour obtenir que soient interdits bon nombre de pesticides qui n’auraient jamais dû être autorisés – tels que les néonicotinoïdes « Gaucho », « Regent », « Cruiser ». Ainsi, nous souhaitons également savoir en quoi consiste précisément cette mesure que vous annoncez, de quelle façon et quand vous envisagez de la mettre en œuvre.
Face à l’urgence de la situation, nous sollicitons de votre part une audience des représentants de la filière apicole dans les meilleurs délais. Dans l’attente d’une réponse de la part de vos services, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de nos sentiments distingués.
Frank Alétru
Président
SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE
https://www.snapicutlture.com
Président
ASSOCIATION DES APICULTEURS PROFESSIONNELS EUROPEENS (EPBA)
Béatrice ROBROLLE
Présidente / Fondatrice
TERRE D’ABEILLES
https://www.sauvonslesabeilles.com/
Communiqué de presse InterAPI.
L’interprofession des produits de la ruche (InterApi) s’oppose à la dérogation permettant l’usage des insecticides néonicotinoïdes en enrobage des semences pour la culture des betteraves, alors que leur toxicité vis-à-vis des pollinisateurs et la contamination des sols et de l’eau qu’ils engendrent ont justifié leur interdiction depuis 2018, sur les recommandations de l’ANSES.
C’est avec une très grande inquiétude que la filière apicole a appris par l’intermédiaire des médias que le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation envisageait d’accorder une dérogation d’usage d’un néonicotinoïde aux betteraviers, pour la campagne 2021 avec possibilité d’extension sur les deux campagnes suivantes.
Ce, sans même avoir consulté les représentants de la filière apicole ! Une filière pourtant concernée au premier chef, victime durant plus de vingt ans des effets délétères des insecticides néonicotinoïques, et qui s’est battue pour qu’ils soient reconnus, avant d’obtenir, enfin, l’interdiction de cette dangereuse famille de pesticides après les pertes massives de colonies d’abeilles engendrées par leur autorisation.
Le gouvernement reconnaît pourtant clairement cette toxicité avérée, indiquant qu’« aucune culture à fleurs ne sera mise en place derrière une culture de betterave », mais, il oublie les notions de persistance dans les sols et de rémanence dans les cultures suivantes des néonicotinoïdes ainsi que la contamination des adventices qui ne se limitent pas à une seule année !
L’interprofession des produits de la ruche, InterApi, s’oppose donc à cette dérogation :
- En raison de la persistance dans les sols et de la rémanence des néonicotinoïdes dans les cultures suivantes, qui peuvent perdurer plusieurs années, et qui ont été démontrées par de multiples études sur lesquelles l’ANSES s’est basée pour justifier leur interdiction.
- En raison de l’existence d’alternatives efficaces qui ont été proposées par l’ANSES dès 2018 et par les itinéraires techniques biologiques.
- Parce qu’il est inacceptable que le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation autorise qu’une filière agricole s’impose au détriment d’une autre filière agricole, alors que des alternatives existent. Les solutions doivent être trouvées dans la concertation et la coordination de l’ensemble des acteurs concernés et non dans l’opposition de deux filières.
- Compte tenu des risques inacceptables que devra subir, à nouveau, l’apiculture dans les régions concernées, alors qu’elle commence à peine à se reconstruire après tant d’années de pertes.
- Compte tenu de l’impact environnemental négatif sur l’entomofaune, sur l’environnement et sur la santé que les études ont aussi démontré.
Une telle régression du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation contre la loi Biodiversité est un très mauvais signal vis-à-vis de notre filière et des consommateurs. C’est aussi
l’ouverture à de multiples demandes de dérogations, telles que celle formulée par la filière maïs.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’interprofession des produits de la ruche, InterApi, demande que le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation renonce à toute dérogation.
L’interprofession des produits de la ruche, InterApi, déplore que le Président de la République ne tienne pas ses tous récents engagements environnementaux. L’État devrait plutôt saisir cette occasion pour engager et accompagner la filière sucrière vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement et de la santé humaine, selon les conclusions des États généraux de l’Alimentation et les attentes des Français.
Alors que l’interprofession des produits de la ruche, InterApi, avait su tisser des liens de confiance et de collaboration efficaces avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation lors de sa mise en place, elle a cependant été totalement ignorée dans la gestion de ce dossier. Face à un tel contexte, le retour à une situation saine et sécurisée est impératif. Dans ce but, les représentants de l’interprofession des produits de la ruche, InterApi, demandent à être reçus par le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation dans les plus brefs délais.
Contact :
Eric LELONG – Président d’InterApi Magali JONAS – coordinatrice d’InterApi contact@interapi.fr – 01 87 76 05 25
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Lettre envoyée au ministre de l'agriculture.
Les organisations ci-dessous ont adressé un courrier au Ministère de l'Agriculture et de l’Alimentation à l’attention de Monsieur le ministre Julien Denormandie)