Le mystère du syndrome d'effondrement des colonies résolu ! – Partie 1 : histoire d’une inconduite médiatique

Au cours de la première décennie du nouveau millénaire, l’effondrement des colonies devient un vrai sujet d’inquiétudes pour le grand public. A cet effet, des sommes conséquentes commencent à être allouées aux programmes de recherche traitant de ce sujet, permettant l’utilisation des moyens analytiques ambitieux. Je reviens dans cet article en deux parties sur une controverse qui a agité le monde de la recherche apicole au début de cette décennie et qui illustre plusieurs défaillances du processus de production et de diffusion de la recherche.

Le 6 octobre 2010 est publié dans la revue PLOS One, un article co-signé par un vingtaine de chercheurs issus de différentes université américaines et de l’US Army identifie le virus Invertebrate Iridescent Virus-6 (IIV-6) et la microsporidie Nosema comme liés au déclin des colonies d’abeilles1. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs de l’US Army ont séquencé le protéome 2 d’abeilles issues de 9 ruches différentes réparties sur l’ensemble des USA. L’interprétation des données de séquençage a identifié de nombreux microorganismes dont ces deux pathogènes. Les auteurs concluent leur étude par le fait « qu’il reste à déterminer si cette co-infection est la cause ou un marqueur du déclin des abeilles et que ces résultats suggèrent que des études additionnelles sur le sujet sont nécessaires ».

Le même jour, le prestigieux New York Time publie un article relayant l’étude de PLOS One intitulé « les scientifiques et les soldats résolvent le mystère des abeilles »3. L’article met en avant le développement de ce partenariat unique entre l’US Army et les universitaires qui a permis cette découverte majeure : l’association entre un champignon et un virus qui cause la disparition des abeilles. A cet effet, l’armée a utilisé un nouveau programme développé par leur soin pour analyser le protéome et réaliser un diagnostic sans apriori 2. L’article concède tout de même en conclusion que « d’autres efforts de recherche sont nécessaires pour mieux comprendre les facteurs environnementaux qui joue un rôle dans cette co-infection ».

Deux jours plus tard la parution de ces deux articles, le magazine Fortune publie un article à charge intitulé « Ce que le scientifique n’a pas dit au NY Times à propos de son étude sur la mort des abeilles »4. Cet article décrit « la joie que Bayer a dû ressentir en voyant la publication du Times …ses pesticides n’étant pas mentionnés » ainsi que la « relation préexistante entre Bayer et l’auteur principal de l’étude Dr. Bromenshenk non mentionnée par le Times ». En effet, comme de nombreux chercheurs, le Dr. Bromenshenk a reçu au cours de sa carrière des fonds du secteur privé dont Bayer pour étudier la pollinisation des oignons. Dr. James Frazier, entomologiste travaillant sur l’impact des pesticides et interviewé pour cet article trouve dans cette étude « des données intéressantes … mais il perçoit plutôt le conflit d’intérêt dans le fait que le Dr. Bromenshenk est le PDG d’une société BEE ALERT qui développe des scanner pour diagnostiquer les pathogènes d’abeilles et donc pourrait bénéficier financièrement des retombées de cet article ». Une autre chercheuse Dr. Jennifer Sass souligne que les auteurs ou le Times n’ont pas suffisamment adressé l’hypothèse que cette co—infection soit une conséquence de l’affaiblissement du système immunitaire dû, entre autres, à l’exposition aux pesticides.

En réponse à cet article à charge, le 31 octobre 2010, le journal local Missoulian offre au Dr. Bromenshenk une tribune pour défendre son travail5. Ce dernier nie son implication avec Bayer sur les thématiques de déclin des abeilles et juge grotesque l’hypothèse qu’il aurait réussi à persuader les 17 autres auteurs de l’étude, affiliés à 6 autres institutions, d’exonérer les pesticides et de mettre le blâme sur ces deux pathogènes. De même, l’hypothèse d’un profit sur le système de scanner BEE ALERT est peu probable, s’adressant à un marché de niche et développé en partenariat avec le département de l’agriculture. Enfin, il note que l’objet de son étude était simplement d’étudier le rôle des pathogènes dans le déclin des abeilles et que d’autres chercheurs traitent de l’effet des pesticides.

Le fin mot de l’histoire médiatique revient peut-être à CBS News qui questionne de manière plus globale les problèmes de crédibilité rencontrés par les chercheurs qui ont accepté des fonds privés au cours de leur carrière6.

 

Suite Partie 2 http://asapistra.fr/?q=node/1171

 

1 Bromenshenk JJ et al. Iridovirus and Microsporidian Linked to Honey Bee Colony Decline. PLoS One. 2010. 5(10) http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0013181#pone.0013181-Wick1

C'est quoi le protéome ?  http://asapistra.fr/?q=node/1169

3 Johnson Kirk. Scientists and Soldiers Solve a Bee Mystery. The New York Times. Oct. 6, 2010. http://www.nytimes.com/2010/10/07/science/07bees.html

4 Katherine Eban. What a scientist didn't tell the New York Times about his study on bee deaths. Fortune. October 8, 2010. http://archive.fortune.com/2010/10/08/news/honey_bees_ny_times.fortune/i...

5 Chelsi Moye. Funding for UM bee researcher's study under scrutiny. Missoulian. Oct 21, 2010. http://missoulian.com/news/local/article_c1edc68c-e4aa-11df-8d50-001cc4c...

6 Jim Edwards Bayer's Funding of Bee Death Researcher Draws Conflict-of-Interest Allegations. CBSNews. Nov. 2, 2010. https://www.cbsnews.com/news/bayers-funding-of-bee-death-researcher-draw...

'Le fin mot de l’histoire médiatique revient peut-être à CBS News qui questionne de manière plus globale les problèmes de crédibilité rencontrés par les chercheurs qui ont accepté des fonds privés au cours de leur carrière'

La question subjacente est aussi le financement de la recherche. Actuellement les organismes de tutelles (INSERM, Unistra, CNRS, INRA) financent les locaux, fluides, salaires et 1/4 des frais de fonctionnement. 3/4 de l'argent nécessaire au travail des laboratoires est de l'argent privé ou d'associations de malades.... Cette recherche lie les chercheurs et leur font perdre un temps précieux.

Bruno

 

D.où l’idee utopique d’une réelle recherche ( avec le budget qui va avec ) indépendante ....l’Europe aurait les moyens si une volonté politique ... etc etc. , , bon j’arrête te là ce genre d’argument ça risque d’être dépressif  Michel