Concurrence alimentaire entre abeilles sauvages et domestiques

Une étude menée par l'INRA sur la concurrence/compétition entres les abeilles domestiques et les abeilles sauvages. Cette étude traite le cas des milieux naturels. Mais certaines conclusions peuvent s'appliquer également aux milieux urbains.

Toutefois, dans les milieux urbains, une politique écologique et une démarche pro-active pour la gestion des pollinisateurs (développement des ressources et implantation des colonies) peut garantir un certain équilibre.

Voir l'article de l'INRA: Concurrence alimentaire entre abeilles sauvages et domestiques

 


Retranscription de l'article de l'INRA.

Des chercheurs de l'Inra démontrent pour la première fois l'impact de la concurrence alimentaire des colonies d'abeilles domestiques sur les abeilles sauvages en milieu naturel. Ces travaux révèlent l’existence d'une zone d'influence autour de chaque rucher et peuvent être mis à profit pour organiser la cohabitation entre les différentes populations d'abeilles.

Face à l'intensification des pratiques agricoles en zone rurale et la dégradation de la qualité écologique des agrosystèmes, de plus en plus d'apiculteurs choisissent de déplacer régulièrement leurs colonies d'abeilles au sein de milieux naturels. C'est notamment le cas sur le Massif de la Côte Bleue, situé au nord-ouest de Marseille, une zone de garrigue d'une superficie de 5 700 hectares, dont plus de la moitié jouit du statut d'espace naturel protégé. Pour mesurer les effets de cette apiculture saisonnière sur les nombreuses espèces d'abeilles sauvages (1) peuplant le territoire, le Conservatoire du Littoral, propriétaire du site, sollicite en 2014 deux chercheurs de l'Inra spécialistes des abeilles, Mickaël Henry et Guy Rodet (2).

 

Les abeilles sauvages perdantes dans la compétition

En recoupant les données collectées durant les printemps 2015 et 2016, les scientifiques ont mis en évidence une compétition entre abeilles sauvages et domestiques pour l’exploitation des ressources florales tournant à l’avantage des secondes. En effet, ils ont observé une diminution de plus de 50% de l’abondance des abeilles sauvages dans un rayon de 900 mètres autour des ruchers par rapport aux densités mesurées au-delà de cette distance. Deuxième constat : les plus faibles quantités de nectar et de pollen sont retrouvées chez les butineuses capturées à proximité des ruchers les plus importants, signe d'un effet négatif de la densité d'abeilles domestiques sur l’approvisionnement de ces insectes.

 

Une zone d’emprise de 600 à 1200 mètres autour des ruchers

Ces travaux ont aussi permis de mettre en évidence une zone d’influence des ruchers variant de 600 à 1 200 mètres autour de ces derniers selon le paramètre écologique pris en compte : abondance des butineuses sauvages et domestiques, taille des espèces d'abeilles sauvages présentes, taux de charge en pollen et en nectar, etc. Selon les chercheurs de l'Inra, la caractérisation de ces zones d'influence peut aider les gestionnaires d'espaces naturels à répartir les ruchers de manière à limiter leur emprise sur ces territoires. « Le simple fait d'augmenter les distances entre les différents ruchers permettrait de ménager davantage d’espaces sanctuarisés où les abeilles sauvages ne subiraient pas la concurrence des colonies d'abeilles domestiques, contribuant ainsi à maintenir les effectifs de leurs populations » conclut Mickaël Henry.

 

Les apiculteurs gagnants aussi

Ces préceptes faciles à mettre en place peuvent en outre assurer de meilleurs rendements aux apiculteurs installés sur ces milieux naturels. En effet, au cours de leur étude, les chercheurs ont constaté que la compétition existe aussi entre les colonies d’abeilles domestiques : une trop forte concentration de colonies d'abeilles en un même lieu se traduit par une diminution de 44% de la quantité de nectar collectée par les butineuses de ces colonies. « Dans ce contexte de compétition intra-spécifique, les butineuses doivent redoubler d'efforts pour collecter le nectar indispensable à la production de miel » analyse Guy Rodet. Éviter une trop forte concentration d'abeilles domestiques dans les espaces naturels protégés tel que celui du Massif de la Côte Bleue pourrait ainsi bénéficier aux apiculteurs qui verraient leur niveau de production mellifère augmenter sans prendre le risque d'épuiser leur cheptel.

 

 

  1. Sur l'ensemble des zones échantillonnées entre 2015 et 2017, les chercheurs de l'Inra ont répertorié 56 espèces d'abeilles sauvages différentes.
  2. Unité de recherche Abeilles et Environnement, Inra d’Avignon. Étude menée en partenariat avec l'Association de développement de l'Apiculture Provençale (ADAPI) et financée par le Conservatoire du littoral.

 


RÉFÉRENCES

  • Henry M., Rodet G. 2018. Controlling the impact of the managed honeybee on wild bees in protected areas. Scientifc Reports,18 juin 2018. https://www.nature.com/articles/s41598-018-27591-y
  • Henry M., Rodet G. 2018. Étude des interactions écologiques entre l’abeille domestique et les abeilles sauvages dans un espace naturel protégé : le massif de la Côte Bleue, site du Conservatoire du Littoral. Rapport d’étude, convention Recherche & Développement CdLINRA-ADAPI n°2014CV18, 10 pages.

 

Contact(s) scientifique(s) :

  • Mickaël Henry UR 406 Abeilles et Environnement
  • Guy Rodet UR 406 Abeilles et Environnement
Département(s) associé(s) : Santé des plantes et environnement
Centre(s) associé(s) : Provence-Alpes-Côte d'Azur

 

 

Sujets du billet: