Le mystère du syndrome d'effondrement des colonies résolu ! – Partie 2 : histoire d’une inconduite scientifique
Alors que l’étude de Bromenshenk et al. 1 publiée dans PLOS One a fait l’objet d’une controverse publique par articles de presses interposés et d’allégations de conflit d’intérêt2, une autre controverse s’est opérée en sous-marin dans la communauté scientifique.
En effet, à la lecture de l’article et plus particulièrement de la section matériel et méthode, on constate que la méthode d’analyse des protéines n’est pas décrite et renvoie à un article, qui la détaillerait, un « technical report ». Hors à la parution de l’article ce technical report est introuvable. De même, la communauté « protéomique »3 a mis en place des lignes directrices accompagnant la publication de telles études. Il faut notamment déposer sur des serveurs, les données de séquençages brutes afin qu’elles puissent être utilisées et réinterprétées par l’ensemble de la communauté, ce que l’étude de Bromenshenk et al n’a pas fait.
Dès le lendemain de la mise en ligne de l’article (le 7 octobre 2010), Dr Leonard Foster souligne ces failles dans la section commentaire, suivis par d’autres chercheurs4. Mais cette fois-ci ce n’est pas vers le Dr. Bromenshenk qu’il faut se tourner mais vers l’US Army qui a géré la partie protéomique. Le 8 octobre, Dr. Jay Evans du ministère de l’agriculture, adresse une demande pour obtenir le Technical report à l’officier en charge qui lui répond qu’il doit refaire la demande plus tard, possiblement dans 2 mois (copie de l’échange dans la section commentaire).
Suite à un jeu de pression sur l’éditeur et les auteurs, le Dr. Foster obtient une partie des données brutes de séquençage, celles identifiées comme le virus IIV-6. Le 4 janvier 2011, le journal Molecular et Cellular Proteomics publie un article où le Dr. Foster examine et réinterprète ces données5. Il met en avant des failles méthodologiques importantes dans l’interprétation initiale et qu’en réalité ces protéines n’appartiennent pas au virus mais … à l’abeille elle-même. Il conclue l’article par le fait qu’il n’y a actuellement aucune évidence qui suggère que les abeilles sont des hôtes pour le virus IIV-6 et encore moins que ce virus soit lié au déclin des colonies. Il mentionne également ses résultats dans la section commentaire du papier de Bromenshenk et al. , ce à quoi ce dernier répond le 24 janvier 2011 que l’équipe de l’US Army travaille sur une réponse point par point, qui sera par la suite publié dans PLOS One. Au cours de l’année 2011, Plos One publie deux articles dont un qui effectue la même démarche que le Dr. Foster6 et un autre qui utilise le séquençage du transcriptome et d’autres colonies d’abeilles7. Ces deux études rejoignent les conclusions du Dr. Foster. En revanche en 2018, la réponse point par point de l’US Army se fait toujours attendre. De même, l’article initial de Dr. Bromenshenk est toujours en ligne, il n’a pas été retracté ni n'a subi de correction. Il a même été abondamment cité par la suite (129 citations) dont par un certain nombre d’articles qui l’utilise comme cas d’école d’une mauvaise utilisation et compréhension de données de séquençage de protéines8.
1 Bromenshenk JJ et al. Iridovirus and Microsporidian Linked to Honey Bee Colony Decline. PLoS One. 2010. 5(10) http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0013181...
2 http://asapistra.fr/?q=node/1170
3 http://asapistra.fr/?q=node/1169
4 http://journals.plos.org/plosone/article/comment?id=10.1371/annotation/2...
5 Foster LJ. Interpretation of Data Underlying the Link Between Colony Collapse Disorder (CCD) and an Invertebrate Iridescent Virus. Mol Cell Proteomics. 2011 Mar; 10(3)
6 Knudsen GM, Chalkley RJ (2011) The Effect of Using an Inappropriate Protein Database for Proteomic Data Analysis. PLoS ONE 6(6): e20873.
Autres techniques étude ARN ne valide pas non plus les données originelles.
7 Tokarz R, Firth C, Street C, Cox-Foster DL, Lipkin WI (2011) Lack of Evidence for an Association between Iridovirus and Colony Collapse Disorder. PLoS ONE 6(6): e21844.
8 Knudsen GM, Chalkley RJ (2011) The Effect of Using an Inappropriate Protein Database for Proteomic Data Analysis. PLoS ONE 6(6): e20873. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0020873
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Pourquoi une inconduite scientifique ?
A la lecture de cet article, on peut se demander pourquoi je parle d’inconduite et non de fraude scientifique. Ce qui différencie la fraude de l’erreur ou de biais tient au fait que la fraude dépend d’une action volontaire et intentionnelle, faite en vue d’induire un tiers en erreur au détriment d’une réalité ou d’un fait scientifique. Je ne peux décemment pas dire dans quel cas de figure on se trouve. Le séquençage et l’interprétation des données protéomique est une science complexe et fait appel à des connaissances pointues. Il est fort probable que le domaine de compétences des reviewers choisis pour évaluer l’étude de Bromenshenk et al se situait du coté de l’entomologie et non de la protéomique. Ils peuvent ne pas avoir vu le problème. Il en est peut être de même pour les co-auteurs entomologistes de l’étude qui ont simplement fait confiance aux compétences de leur partenaire. Quand on considère l’US Army, les choses se corsent, soit pour une division dédiée, on atteint un niveau d’incompétence effrayant, soit il y a clairement eu manipulation de données car rien de « sexy » ne s’en dégageait. Et si manipulation il y a eu, y’a-il eu collusion avec les autres instituions ? La question reste entière, toutefois on peut se féliciter que la communauté scientifique a su déceler et révéler le problème
Comme quoi l’attention sur
Comme quoi l’attention sur les méthodes et la vérification des études doivent être systématiques , surtout actuellement ou les réseaux dit sociaux et autres moyens de gavage pardon diffusion de l’information ( et moins la réflexion sur l’information) sont prompts à diffuser et à utiliser ( dans un intérêt pas du tout désintéressé ..) dans un sens qui les arrangent .. merci aux « veilleurs » Michel